Histoire du Tibet

Alors que les autorités chinoises prétendent que le Tibet a toujours appartenu à la Chine, le Dalaï-Lama et le gouvernement tibétain en exil soulignent sans cesse que le Tibet est un pays occupé depuis 1949/50.

En fait, l’histoire du Tibet remonte à l’an 127 a.C. avec l’établissement de la dynastie Yarung.

Au VIIe s., le Tibet fut unifié sous le règne de Song-tsen Gampo et de ses successeurs. Pendant les siècles suivants, le Tibet fut une des plus grandes puissances d’Asie, affirmation confirmée par certaines inscriptions sur une colonne du Palais du Potala à Lhassa ainsi que par des révélations historiques chinoises remontant à l’époque Tang. Un traité de paix formel fut conclu en 821/823 entre le Tibet et la Chine, traité délimitant clairement la frontière entre les deux pays et assurant aux Tibétains “qu’ils seront heureux au Tibet et les Chinois en Chine”.

INFLUENCE MONGOLE

Alors qu’au cours du XIIIe siècle, l’empire mongol de Gengis Khan s’étendait à l’ouest vers l’Europe et à l’est vers la Chine, les leaders tibétains de la puissante école Sakya de bouddhisme tibétain, conclurent un accord avec les chefs mongols afin d’éviter la conquête du Tibet. Le lama tibétain promit loyauté politique, bénédiction et enseignement religieux en échange d’un parrainage et d’une protection. Les liens religieux devinrent réellement importants lorsque des dizaines d’années plus tard, le Kubilaï Kahn conquit la Chine et établit la dynastie Yuan (1279-1368), il proposa au Sakya Lama de devenir Précepteur Impérial et Pontife suprême de son Empire.

Les relations qui se développèrent et continuèrent d’exister jusqu’au 20e s. entre les Mongols et les Tibétains étaient un reflet d’une étroite affinité raciale, culturelle et religieuse entre les deux peuples d’Asie centrale. L’empire mongol était une empire mondial et quelles que fussent les relations entre ses gouvernants et les Tibétains, les Mongols n’intégrèrent jamais l’administration du Tibet et celle de la Chine, ni unirent le Tibet à la Chine.

Le Tibet rompit ses liens politiques avec l’empereur Yan en 1350 avant que la Chine ne regagnât son indépendance. Le Tibet ne tomba à nouveau sous un certain degré d’influence étrangère qu’au cours du XVIIIe s.

MANDCHOUS, GORKHAS ET ANGLAIS

Le Tibet ne développa aucun lien avec la dynastie chinoise Ming (1368-1644). D’ailleurs, le Dalaï-Lama, qui avait établi son gouvernement souverain sur le Tibet grâce à l’aide d’un protecteur mongol en 1642, développa d’étroits liens religieux avec les empereurs mandchous qui conquirent la Chine et y établirent la dynastie Qing (1644-1911). Le Dalaï-Lama accepta de devenir le guide spirituel de l’empereur mandchou, et en accepta en échange le parrainage et la protection. Cette relation “prêtre-patron” que le Dalaï-Lama maintint aussi avec quelques princes mongols et nobles tibétains, était le seul lien formel existant entre les Tibétains et les Mandchous durant la dynastie Qing et n’entama pas l’indépendance tibétaine.

Sur le plan politique, certains puissants empereurs mandchous réussirent à exercer un degré d’influence sur le Tibet. C’est ainsi que de 1720 à 1792, les empereurs Kangxi, Yong Zhen et Qialong envoyèrent à quatre reprises des troupes impériales au Tibet afin de protéger le Dalaï-Lama et le peuple tibétain des invasions mongoles, gorkhas, mais aussi d’éventuels troubles internes. Ces expéditions donnèrent aux empereurs les moyens d’établir leur influence sur le Tibet. Ils envoyèrent des représentants dans la capitale tibétaine, Lhassa, qui exercèrent leur influence sur le gouvernement tibétain, notamment en ce qui concerne la conduite des relations extérieures.

A l’apogée du pouvoir mandchou, la situation n’était pas différente de celle qui peut exister entre une superpuissance et un pays satellite ou protectorat, c.-à-d. une situation n’annulant pas l’indépendance politique de l’Etat faible. Le Tibet ne fut jamais annexé à l’empire mandchou, ni même à la Chine et continua de conduire ses relations avec les Etats voisins pour la plupart de façon autonome.

L’influence mandchoue ne dura pas longtemps: elle était tout à fait inefficace à l’époque où les Britanniques envahirent pendant une brève période Lhassa et conclurent un traité bilatéral avec le Tibet, la Convention de Lhassa. En dépit de cette perte d’influence, le gouvernement impérial à Pékin continua de revendiquer une certaine autorité quelconque sur le Tibet, notamment s’agissant des relations internationales, une autorité que le gouvernement britannique désigna sous le terme de “suzeraineté” dans ses pourparlers avec Pékin et St-Petersbourg. L’armée impériale chercha à réaffirmer une influence effective en 1910 en envahissant le pays et en occupant Lhassa. Après la révolution chinoise de 1911 et le renversement de l’empire mandchou, l’armée chinoise se rendit aux troupes tibétaines et fut rapatriée sur la base d’un accord de paix sino-tibétain. Le Dalaï-Lama affirma à nouveau la complète indépendance du Tibet, sur le plan intérieur par une déclaration et sur le plan extérieur par les communications envoyées aux gouvernements étrangers et par un traité avec la Mongolie.

LE TIBET AU XXE S.

Le statut du Tibet à la suite de l’expulsion des troupes mandchoues ne fait pas l’objet d’un sérieux différend. Quels que fussent les liens existant entre le Dalaï-Lama et les empereurs mandchous et la dynastie Qiung, ceux-ci s’étaient rompus avec la chute de cet empire et de cette dynastie-là. Depuis 1911 et jusqu’à 1950, le Tibet réussit à éviter toute ingérence étrangère indue et se conduisit sous tous les aspects comme un Etat tout à fait indépendant.

L’été 1950, les militaires chinois entrent au Tibet. Débute alors la politique chinoise d’intégration forcée auprès des Tibétains, qui vont s’y opposer. Cette résistance va devenir symbolique le 10 mars 1959 à Lhassa, lors du soulèvement populaire qui sera réprimé dans le sang les jours suivants.

Le Tibet maintint des relations diplomatiques avec le Népal, le Bhoutan, la Grande-Bretagne et, plus tard, avec l’Inde indépendante. Les relations avec la Chine demeurèrent tendues. Les Chinois entreprirent une guerre de frontière contre le Tibet, tout en l’invitant à se joindre à la République chinoise et en soutenant devant le reste du monde que le Tibet était déjà l’une des “cinq races” de la Chine.

Dans l’essai de réduire les tensions sino-tibétaines, les Britanniques convoquèrent une conférence à trois en 1913 à Simla, où les trois Etats se rencontrèrent au même niveau. Comme le délégué britannique le rappela à sa contrepartie chinoise, le Tibet participait à cette conférence en tant que “nation indépendante” qui ne reconnaissait aucune obéissance envers la Chine. La conférence échoua car elle n’aboutit pas à la résolution du différend entre la Chine et le Tibet. Elle fut pourtant utile, parce que l’amitié anglo-tibétaine fut réaffirmée par la conclusion d’accords bilatéraux dans les domaines du commerce et des frontières.

Par une Déclaration conjointe, la Grande-Bretagne et le Tibet s’engagèrent à ne pas organiser la suzeraineté chinoise, ni aucun autre droit spécial chinois au Tibet.

Michael C. Walt Van Praag, expert en droit international et conseiller juridique du Dalaï-Lama.